Bon, l'épuisante hystérie médiatique et politique étant retombée, je peux y voir plus clair dans toute cette vase.. Et prendre un peu de recul sur mes propres prises de position à l'égard de cet ancien humoriste..
Oui, 1ere mise au point et réajustement : je ne considère plus Dieudonné comme un humoriste, en tout cas ce n'est plus sa caractéristique première. En fouillant dans sa sphère, dans ses vidéos, dans les commentaires de ses partisans, je ne pouvais plus nier l'évidence. Il est devenu définitivement un militant politique d'un parti virtuel, ramassis globalisant de déception, de rejet et de haine. Cette haine, dont il se défend lui-même (en anticipant les critiques) n'est plus dissimulable. Elle perle de son front lors des vidéos oppressantes et nauséabondes qu'il propose à ses groupies aveugles et dans lesquelles il règle ses comptes avec différentes personnalités publiques (média, politique).
Il ne prend plus la peine d'être subtil et fin comme il savait si bien le faire, il balaie ses adversaires d'un "qu'il aille se faire enculer", sorte de version 2014 de son "ferme-là à tout jamais" qui avait une toute autre saveur. Il y déclare tranquillement qu'attraper un cancer est ce que Taubira "a fait de mieux lors de son ministère".. Bordel .. Comment en arrive-t-on à sortir de tels propos..? Je maintiens que je ne le pense pas antisémite. Mais je complète : il est empli de haine et d'aigreur et celles-ci sont beaucoup plus universelles qu'un "simple" antisémitisme. Et je trouve cela pire encore.
Mais ce qui m'a définitivement poussé à trancher mon avis c'est son soutien affiché et sans cesse réitéré à Alain Soral. Son alter-égo froid et ouvertement fasciste, planqué derrière un intellectualisme de façade ne trompe plus personne. L'un "fait rire", l'autre écrit des pamphlets d'extreme droite. Une complémentarité inquiétante, notamment lorsque l'on constate son succès auprès des révoltés de Facebook, Youtube et consorts.. Les types, qui la plupart du temps n'ont comme unique point de départ (et d'arrivée) que "l'acharnement injuste" dont a été victime Dieudonné, vendrait père et mère pour défendre leur idole, selon eux inattaquable.
Alors une mise au point s'impose. Dieudonné n'est ni subversif, ni une victime du système. Etre boycotté est devenu pour lui un business florissant et il aurait tort de s'en priver. C'est aussi pour lui une aubaine pour faire croire à ceux qui gobbent toutes ses couleuvres (et en redemandent), que son boycott est nécessairement signe de vérité etouffée, de sincérité désintéressée.. La censure est parfois un trône confortable pour régner sur les ignorants qui biberonnent le Complot comme d'autres lisent la Bible.
Je maintiens aussi que le traitement médiatique et politique de cette affaire a été détestable. Tant par sa disproportion que par l'accord obligatoire entre toutes les parties et l'absence d'une réelle liberté d'expression. Cela dit TOUS : Dieudonné, les médias, les politiques ont participé à maintenir un climat haineux et malsain.
Ma critique des médias, ma sympathie pour Dieudonnée et l'immédiateté journalistique m'ont fait choisir un "camp", par manque de recul.. Alors qu'ils étaient finalement tous dans le même : celui de la méconnaissance de l'autre et de la haine qu'elle engendre nécessairement.
Le constat derrière tout ceci : la subversion est en crise. Elle est prise d'assault par les faux impertinents (Barthès), moquée par les blasés et les privilégiés (la classe médiatique) , vidée de son sens par des opportunistes (Dieudonné), par des extrémistes de droite qui s'engouffrent dans les failles pour posticher leur haine en révolte (Soral, le FN, Zemmour, Coppé..).
On doit lui rendre ses lettres de noblesse. En s'intéressant, en sachant, en critiquant, en vérifiant etc.. et surtout avec pour un but ultime : vivre mieux ensemble.
Ce que ni Dieudonné, ni Soral, ni Valls, ni Pujadas ne mettront jamais en avant.
Décrypter ne suffit pas, il faut aimer pour que tout ait un sens.
Alors aime et sache.